| Publié le 25.04.2014
H comme … Heureux
H comme … Heureux. Qu'est-ce que vivre heureux ? Qu'est-ce que la vie heureuse ? Voici la réponse que nous donne Sénèque, le philosophe stoïcien né dans l'actuelle Cordou au sud de l'Espagne en l'an 4 avant JC. A la demande de Néron dont il était le conseiller, il se « suicidera » le 12 avril 65 après JC. Philosophe il était, mais aussi dramaturge et homme d'Etat. Ses traités s'intitulent De la colère, De la brièveté de la vie et Les lettres à Lucilius.
Dans le premier paragraphe de son traité De la vie heureuse, que je vous livre ici, Sénéque indique à son frère aîné Gallion que tout le monde aspire au bonheur mais quant à voir ce qui fait le bonheur, les individus sont aveugles et le plus souvent, ils suivent le chemin de la foule pour tenter de le comprendre. Écoutons Sénèque :
« Vivre heureux, mon frère Gallion, voilà ce que veulent tous les hommes : quant à bien voir ce qui fait le bonheur, quel nuage sur leurs yeux! Et il est si difficile d'atteindre à la vie heureuse, qu'une fois la route perdue, on s'éloigne d'autant plus du but qu'on le poursuit plus vivement ; toute marche en sens contraire ne fait, par sa rapidité même, qu'accroître l'éloignement. Il faut donc, avant tout, déterminer où nous devons tendre, puis bien examiner quelle voie peut y conduire avec le plus de célérité. Nous sentirons, sur la route même, pourvu que ce soit la bonne, combien chaque jour nous aurons gagné et de combien nous approcherons de ce but vers lequel nous pousse un désir naturel.»
« Mais tant qu'on marche à l'aventure, sans suivre de guide que les vagues rumeurs et les clameurs contradictoires qui nous appellent sûr mille points opposés, la vie se consume en vains écarts, cette vie déjà si courte […]. Déterminons donc bien où et par où nous devons aller, non sans quelque habile conducteur qui ait exploré les lieux que nous avons à traverser. [...] Ici le chemin le plus battu, le plus fréquenté est celui qui trompe le mieux. Ainsi, par-dessus tout, gardons-nous de suivre en stupide bétail la tête du troupeau, et de nous diriger où nous devons aller plutôt qu'où l'on nous fait aller. »
« Or il n'est rien qui nous jette en d'inextricables misères comme de nous régler sur le bruit public, regardant comme le mieux ce que la foule applaudit et adopte, ce dont on voit le plus d'exemples, et vivant non pas d'après la raison, mais d'après autrui. De là, ce vaste entassement d'hommes qui se renversent les uns sur les autres. […] les premiers entraînent la perte de ceux qui suivent ; de même dans tous les rangs de la vie nul ne s'égare pour soi seul : on est la cause, on est l'auteur de l'égarement des autres.
Car il n'est pas bon de s'attacher à ceux qui marchent devant; et comme chacun aime mieux croire que juger, de même au sujet de la vie jamais on ne juge, on croit toujours : ainsi nous joue et nous précipite l'erreur transmise de main en main, et l'on périt victime de l'exemple. Nous serons guéris à condition de nous séparer de la foule ; car tel est le peuple : il tient ferme contre la raison, il défend le mal qui le tue. Aussi arrive-t-il ce qui a lieu dans les comices où, les préteurs à peine élus, les électeurs même s'étonnent de leur choix, quand la mobile faveur a fait volte-face. On approuve et on blâme tour à tour les mêmes choses, telle est l'issue de tout jugement où la majorité décide. » Ainsi va le monde !
[Didier Martz, philosophe]
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Commentaire de PUPKIEWICZ Célia |
Bonjour,
Passionnée de lecture, J'aimerai vous proposer un livre très intéressant écrit pas Laurent Gounelle.
Il compare deux monde complètement différents et présente sa vision du bonheur à travers son histoire. Un livre vraiment enrichissant qui nous fait méditer sur la vie que l'on a aujourd'hui.
Laurent Gounelle, "La philosophie qui n'est pas sage"
Bonne journée